D'après un rapport de la Banque mondiale paru
en 2014, une grande partie des
réglementations adoptées par le gouvernement sous la présidence de Zine
el-Abidine Ben Ali visait à favoriser un
cercle d'entrepreneurs proche du pouvoir. Après la chute de son régime, une
commission d'enquête est mise en place et dresse une liste de
114 personnes, dont Ben Ali, ses apparentés et ses gendres, ayant
bénéficié de cette corruption institutionnalisée. Les biens saisis comprennent
quelque 550 propriétés, 48 bateaux et yachts, 40 portefeuilles
d'actions et d'obligations, 367 comptes en banques et environ 400 entreprises.
Les experts de la commission évaluent à 13 milliards de dollars la valeur
de l'ensemble, soit plus d'un quart du PIB de la Tunisie en 2011.
La révolution de 2011 qui renverse Ben Ali a des conséquences désastreuses sur l'économie du pays. Les attentats islamistes ont touché le tourisme qui représentait près de 7 % du PIB national. Avec une croissance économique quasi nulle, le pays est proche de la récession et connaît un spectaculaire envol de sa dette qui atteint 60 % du PIB.
1. Historique
À la proclamation de l'indépendance en 1956,
le pays ne dispose pas des atouts de ses voisins maghrébins : terres
agricoles moins productives, infrastructure portuaire moins développée, marché
intérieur étriqué, épargne faible et écornée par l'émigration des populations
d'origine européenne et relations avec les milieux d'affaires français réduits,
chômage élevé et équipement industriel embryonnaire. La priorité établie par le
nouveau président Habib Bourguiba est alors
de libérer l'économie nationale du contrôle français qui avait favorisé l'agriculture et l'extraction minérale, mais avait, en grande
partie, négligé l'industrie, la Tunisie
étant alors le pays le moins industrialisé du Maghreb. Dans ce contexte,
l'importance croissante de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT)
dans les choix économiques par l'action de son secrétaire général, Ahmed Ben Salah, mène le pays
vers l'adoption de mesures collectivistes dans l'économie. L'expérience
coopérative dure jusqu'en septembre 1969 lorsque Bourguiba suspend
Ben Salah de ses fonctions à la suite de la parution d'un rapport confidentiel
de la Banque
mondiale sur
le déficit des entreprises publiques et aux pressions de l'aile
pragmatique du parti. Avec l'arrivée d'Hédi Nouira, pragmatique gouverneur de la Banque centrale hostile au collectivisme, au ministère de
l'Économie puis au Premier ministère, la Tunisie se
réoriente vers l'économie
de marché et
la propriété privée. Durant la décennie des années 1970, la Tunisie connaît une expansion du secteur privé et un
développement rapide de l'emploi manufacturier. Cette timide ouverture permet
la création de nouveaux emplois et, par conséquent, le développement d'une
meilleure mobilité sociale de la jeunesse nouvellement instruite et la
croissance d'une classe moyenne
En 1986, la Tunisie connaît
toutefois sa première année de croissance négative depuis son indépendance. Les
agitations sociales augmentent de façon dramatique pendant cette période et
l'UGTT, qui critique ouvertement la politique économique adoptée par le
gouvernement, organise des grèves et
des manifestations contre l'augmentation du chômage et la politique salariale. Le gouvernement se met
alors d'accord avec le Fonds monétaire international sur la
mise en place d'un programme de reprise économique sur 18 mois. L'objectif
principal du plan est d'accroître l'efficacité et de promouvoir les mécanismes
du marché. En même temps, il est conçu pour surmonter les conséquences sociales
et politiques de ses mesures. Les dépenses publiques sont concentrées aux
secteurs de la santé, de l'éducation, du logement et des services. Le
gouvernement ne lance cependant pas de véritables programmes avant 1987.
La privatisation se traduit dans un premier temps par
la vente de petites et moyennes entreprises avec un bon historique bancaire à des acheteurs tunisiens
présélectionnés. Depuis le lancement du nouveau programme de privatisation
en 1987, le gouvernement a totalement ou
partiellement privatisé 203 entreprises, dont de grands établissements
publics tel Tunisie Télécom, pour une recette
globale de 5 557 millions de dinars. De plus, la non préparation de
plusieurs secteurs à l'ouverture a conduit au maintien d'un niveau de chômage
élevé et variant selon les sources de 13 % à 20 %. Pourtant, le
chômage ne touche pas que les populations les plus vulnérables : le taux
de chômage des diplômés de l'enseignement supérieur est ainsi en augmentation
depuis plusieurs années. Alors qu'il était de 4 % en 1997 et de 0,7 % en 1984, il atteint 20 % contre une moyenne nationale de
14 %, voire près de 60 % dans certaines filières selon une enquête de
la Banque mondiale.
En 1959, le pays prend ses premiers
contacts avec la Communauté économique européenne. En juillet 1966, le président Bourguiba effectue une tournée en Europe et
aboutit au lancement de négociations qui conduisent à la signature d'un premier
accord commercial le 28 juillet 1969 à Tunis.
À partir des années 1970, positionnée sur des
secteurs où sa compétitivité s'est érodée, tels que le textile, la Tunisie se lance dans le moins-disant social pour
maintenir ses positions, en pratiquant un régime d'incitations fiscales dont
des investisseurs ont su tirer profit en accroissant la précarité de leurs
salariés. Le tourisme entame également une course au rabais, au détriment de la
qualité. Sous la présidence de Zine el-Abidine Ben
Ali, les banques publiques ont pour
consigne de ne pas exiger le remboursement de leurs créances afin de maintenir à flot ce secteur et de préserver
les intérêts des clans proches du pouvoir, propriétaires des hôtels. La
libéralisation de l'économie est engagée dans les années 1980. Souvent en faveur des réseaux proches du
gouvernement : « Les privatisations ont été un lieu unique de prédation
des « clans », mais aussi de distribution d'avantages et de
rentes pour la bourgeoisie traditionnelle », souligne le Réseau euro-méditerranéen des droits de l'homme en 2011.
Un accord d'association est finalement signé avec l'Union européenne le 17 juillet 1995 et entre en vigueur le 1er mars 1998 pour engendrer dès 1996 le démantèlement progressif des barrières douanières jusqu'au 1er janvier 2008.
2. Agriculture
Depuis l'indépendance de la Tunisie, l'agriculture a enregistré des taux de croissance importants et a permis au pays d'atteindre un niveau de sécurité alimentaire suffisant. En dépit du développement des autres secteurs de l'économie nationale, l'agriculture conserve une importance sociale et économique : elle assure environ 12,3 % du PIB et emploie 16,3 % de la main-d'œuvre en 2006. Les principales productions agricoles sont les céréales (blé et orge), les olives (2e producteur et 3e exportateur mondial d'huile d'olive en 2007-2008), les dattes, les agrumes et les produits de la mer.
Si la gestion de l'agriculture appartient encore à
des établissements publics, tels l'Office des céréales ou l'Office national de
l'huile, le secteur agricole est de plus en plus pris en charge par des groupes
privés souvent présents dans l'industrie agroalimentaire tel le
groupe Poulina, le premier groupe
privé du pays.
Article détaillé : Agriculture en Tunisie.
3. Industrie
En matière industrielle, la Tunisie est le premier
exportateur d'Afrique en valeur absolue :
elle est ainsi passée devant l'Afrique du Sud en 1999. Les secteurs du textile et de l'agroalimentaire représentent 50 % de la production et
60 % de l'emploi de l'industrie manufacturière. Mais, après avoir cru à un
rythme annuel de 2,1 % (entre 2000 et 2005), l'industrie tunisienne fait aujourd'hui face à la
concurrence étrangère. Toutefois, les exportations de produits mécaniques et électriques se sont multipliées par cinq
entre 1995 et 2005. Quatrième
fournisseur de l'Union européenne en produits textiles, elle était
jusqu'en 2002 le premier
fournisseur de la France avant
d'être surclassée par la Chine en 2003.
Article détaillé : Industrie en Tunisie.
4. Services
Le secteur du commerce et de la distribution, qui emploie plus de 500 000 personnes et participe à 10,7 % du PIB national, se divise en deux catégories. Ainsi, le secteur se caractérise encore par la prédominance du commerce traditionnel avec 88 % (2006) du chiffre d'affaires, l'essentiel des transactions commerciales étant réalisé par de petits commerçants. La distribution moderne, qui compte pour 12 % du chiffre d'affaires global et regroupe des enseignes nationales et internationales, n'est apparue que lorsque le marché s'est libéralisé en 1999.
5. Infrastructures
En matière de transport, la Tunisie compte
aujourd'hui sept ports de commerce (Radès, Sfax, Bizerte, Gabès, Sousse, Zarzis et La Goulette) tandis qu'un port en eaux
profondes va être réalisé à Enfida. Placés
sous la gestion de l'Office de la marine marchande et des ports, ils assurent à
eux seuls 96 % du commerce extérieur tunisien. Avec ses
550 000 passagers et ses 415 000 croisiéristes enregistrés
en 2004, le port de La Goulette est l'une
des destinations les plus appréciées dans l'ouest du bassin méditerranéen. La Compagnie tunisienne
de navigation, société publique, est le principal armateur du pays et assure des lignes régulières reliant les
deux rives de la mer Méditerranée (vers Marseille, Gênes, Livourne et Barcelone).
Le pays compte également 32 aéroports dont huit
aéroports internationaux (Tunis-Carthage, Monastir-Habib Bourguiba, Djerba-Zarzis, Enfidha-Hammamet, Tozeur-Nefta, Sfax-Thyna, Tabarka-Aïn Draham et Gafsa-Ksar). En 2005, 39,2 %
du trafic s'effectue par l'aéroport international de Tunis-Carthage.
Le transport ferroviaire assure plus du tiers des déplacements nationaux à travers
un réseau national de 2 167 kilomètres de voies
ferrées. Le réseau est exploité par la Société nationale des
chemins de fer tunisiens (SNCFT) ainsi que par
la Société des transports
de Tunis spécialisée dans le transport urbain dans la
région de Tunis.
Le réseau routier s'étend pour sa part sur
19 300 kilomètres dont 12 655 kilomètres de routes
goudronnées ainsi que de trois autoroutes reliant Tunis à Sfax au sud, Bizerte au nord et Oued Zarga à
l'ouest. Le secteur du transport routier domine les transports terrestres de
voyageurs et de marchandises. Il est néanmoins contrôlé par les sociétés
étrangères à cause du petit nombre d'entreprises tunisiennes.
Les infrastructures de télécommunications sont
largement développées : le réseau téléphonique compte environ sept
millions d'abonnés en 2006 dont six millions d'abonnés mobiles et environ
12,5 % de la population a accès à Internet en février 2007.
L'opérateur public, Tunisie Télécom,
a longtemps été le seul fournisseur de la téléphonie fixe alors
que trois opérateurs se partagent à ce jour le marché de la téléphonie mobile :
Tunisie Télécom, Ooredoo et Orange Tunisie.
L'Agence tunisienne d'Internet gère le réseau Web au plan national qui compte douze fournisseurs d'accès (sept publics et cinq privés). Par ailleurs, 281 publinets (accès publics à Internet) sont répartis sur l'ensemble du territoire.
Articles détaillés : Transport en Tunisie, Télécommunications en Tunisie et Eau potable et assainissement en Tunisie.
6. Énergie
Les ressources naturelles de la Tunisie sont modestes si on les compare à celles de ses voisines : l'Algérie et la Libye. Le secteur de l'industrie est le premier consommateur d'énergie, avec une part de 36 % de la consommation globale, suivi par le secteur du transport avec 30 % de la consommation totale.
Le phosphate est extrait par la Compagnie des
phosphates de Gafsa dans plusieurs gisements situés dans le centre
du pays et en particulier dans la région de Gafsa. 15 % du phosphate produit sont vendus à l'état
brut et 85 % sont transformés par le Groupe chimique tunisien. En 1999, la Tunisie était le cinquième
producteur mondial de phosphate avec 5,5 % du total mondial.
Selon les estimations, la Tunisie possède des
réserves prouvées de pétrole brut estimées à
425 millions de barils en janvier 2015. La majorité est située dans le golfe de Gabès et le bassin de
Ghadamès dans le sud du pays. Le pays produit près de 55 000 barils
de pétrole brut par jour en 2015, dont la majorité provient de seulement six
concessions (Adam, Ashtart, Didon, El Borma, Miskar et Oued Zar) ne parvient
pas à couvrir la demande locale, qui se monte à 86 000 barils par
jour en 2013. Le secteur est dominé par une
société publique, l'Entreprise tunisienne d'activités pétrolières dont la mission est de gérer les activités d'exploration
et de production de pétrole mais aussi de gaz naturel pour le compte du
gouvernement.
Face aux limites de sa production pétrolière, le pays
se tourne de plus en plus vers le gaz naturel pour couvrir sa demande en
énergie. Le pays dispose de réserves prouvées de 65,13 milliards de pieds
cubes en 2014 dont deux-tiers sont
offshore. En 2013, le pays produit 1,879 milliard de pieds cubes tout en
consommant 4,079 milliards de pieds cubes durant la même année. 60 %
de la production provient des gisements exploités par British Gas, le plus important investisseur énergétique en Tunisie, à
Miskar et Hasdrubal. Les entreprises tunisiennes constituent 19 % du
marché de l'exploration et de la production du pays. L'ETAP gère les réserves
nationales et agit en tant que partenaire principal dans presque toutes les
activités d'exploration et de production car elle détient 51 % de toutes
les concessions. Mais ce sont les entreprises américaines qui dominent avec 38 % du marché, suivi par
les entreprises européennes avec 19 %, canadiennes avec 12 % et asiatiques avec 10 %.
La grande majorité de l'électricité du pays, gérée par la Société tunisienne de l'électricité et du gaz, est produite à base d'énergies fossiles (95,9 % de la capacité totale), le résidu étant produit à partir d'énergie hydroélectrique et éolienne. Le pays dispose en 2012 d'une capacité totale de 16,9 milliards de kWh alors que la consommation atteint 13,31 milliards de kWh. Dans le même temps, le gouvernement cherche à développer les énergies renouvelables.
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